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À l’ère des plateformes, les marques ne peuvent plus se contenter d’acheter de la visibilité. Elles doivent créer de la valeur pour les audiences, fédérer des communautés et s’inscrire dans des écosystèmes digitaux ouverts. Cet article explore les ressorts du modèle des plateformes : fonctionnement, enjeux, opportunités pour les marques qui sauront s’en inspirer.

  1. Introduction : Une révolution économique et digitale
  2. Origines culturelles du modèle plateforme
  3. Les fondements du modèle des plateformes
  4. Typologie des plateformes
  5. Recommandation algorithmique et captation de l’attention
  6. Limites du modèle et scénarios d’évolution
  7. Les opportunités majeures pour le marketing digital
  8. Conclusion : Penser écosystème

Les plateformes numériques – d’Amazon à YouTube, en passant par Uber ou Airbnb – redessinent les chaînes de valeur. Elles ne produisent pas directement des biens ou des services, mais organisent les interactions entre producteurs, consommateurs ou annonceurs au sein d’un écosystème numérique piloté par un acteur central.

Ce modèle bouleverse les stratégies de croissance, de marketing et de création de valeur.

Loin d’être une innovation, le modèle des plateformes réactive des dynamiques profondément humaines. Il s’agit d’une traduction numérique de formes d’organisation anciennes, où les échanges, les communautés et la réputation jouaient déjà un rôle central.

  • Les marchés physiques traditionnels (bazars, foires, souks) fonctionnaient comme des plateformes : lieux d’intermédiation entre offre et demande, où la confiance se construisait par la réputation, le bouche-à-oreille, ou l’expérience. La plateforme numérique formalise et industrialise ces mécanismes via les avis utilisateurs, les systèmes de notation ou les garanties de transaction.
  • Les cercles sociaux et tribus d’intérêt ont toujours structuré les comportements d’achat, de consommation culturelle ou d’appartenance. Les plateformes sociales reproduisent ces dynamiques — mais à une échelle mondialisée — en permettant aux utilisateurs de se regrouper par affinités, et aux marques de s’y insérer.
  • La médiation culturelle (guides, critiques, prescripteurs…) a été remplacée par des algorithmes de recommandation, mais l’objectif reste le même : orienter l’attention dans un environnement d’abondance.

Ainsi, la nouveauté ne réside pas tant dans le quoi, mais dans le comment : les plateformes industrialisent ces logiques relationnelles en les rendant scalables, traçables, optimisables.

Une architecture centrée sur l’intermédiation

Contrairement aux entreprises traditionnelles intégrées verticalement, les plateformes créent de la valeur en orchestrant les échanges entre utilisateurs. Elles jouent un rôle de facilitateur en garantissant la fluidité, la confiance et la performance des interactions.

Les effets de réseau : le moteur de la croissance

Le cœur du modèle des plateformes repose sur les effets de réseau : plus il y a d’utilisateurs, plus la plateforme devient utile et attractive pour tous les acteurs impliqués. Ce mécanisme génère un cercle vertueux de croissance :

  • Côté offre : une base utilisateurs étendue attire davantage de fournisseurs (vendeurs, créateurs, chauffeurs…).
  • Côté demande : l’abondance de choix améliore l’expérience utilisateur et la rétention.
  • Côté plateforme : l’accumulation de données permet d’optimiser l’algorithme, de personnaliser l’expérience et d’augmenter l’engagement.

Pour maximiser ces effets, les plateformes déploient des stratégies spécifiques :

  • Optimisation de l’expérience utilisateur (UX) : fluidité de la navigation, design intuitif, temps de réponse réduit, intégration transparente des fonctionnalités essentielles… chaque friction supprimée augmente les chances d’adoption et d’usage récurrent.
  • Personnalisation via la data : les algorithmes s’appuient sur l’analyse des comportements pour recommander les bons contenus, produits ou services au bon moment, créant une forme de « résonance » avec l’utilisateur et favorisant l’engagement.
  • Création et animation de communautés : les plateformes sociales comme Reddit, TikTok ou Discord misent sur des logiques communautaires fortes. En favorisant l’interaction entre utilisateurs autour d’intérêts ou de contenus communs, elles renforcent l’attachement à la plateforme tout en générant de la valeur par les utilisateurs eux-mêmes (UGC, modération, animation…).
  • Incitations croisées et programmes de parrainage : les effets de réseau sont aussi stimulés par des mécanismes incitatifs (bonus, réductions, niveaux de statut), qui poussent les utilisateurs à inviter d’autres membres et à augmenter leur usage.
  • Modularité et APIs ouvertes : côté technologique, les plateformes peuvent amplifier leur effet réseau en intégrant des services tiers ou en permettant l’extension de leur usage via des APIs, comme l’ont fait Stripe ou Shopify.

Ces dynamiques, bien orchestrées, permettent non seulement d’accélérer la croissance, mais aussi de verrouiller les positions de marché. Les géants comme Amazon, Google ou Meta ont su exploiter ces mécanismes jusqu’à atteindre des positions quasi-monopolistiques — un phénomène qualifié de winner takes all.

Selon leur fonction principale, on distingue plusieurs types de plateformes :

  • Transactionnelles : facilitent l’échange entre deux groupes d’utilisateurs (ex : Uber, Airbnb, Vinted).
  • Sociales : maximisent l’interaction entre utilisateurs autour de contenus (ex : Instagram, Snapchat).
  • Technologiques : fournissent des outils ou infrastructures numériques (ex : AWS, Stripe, Shopify).

Chaque type de plateforme obéit à des logiques de croissance et de business models spécifiques. Mais l’hybridation est possible : par exemple, WeChat en Chine concentre des fonctions sociales, transactionnelles, de paiement et de services en un seul environnement intégré.

Les plateformes captent l’attention en proposant une expérience hautement personnalisée, souvent en temps réel. L’utilisateur n’est plus en recherche active : ce sont les contenus qui viennent à lui. C’est pour cela que l’on parle de moteur d’inspiration en opposition aux traditionnels moteurs de recherche.

Les algorithmes opèrent selon plusieurs logiques :

  • Signal implicite : temps passé, interactions, pauses, clics…
  • Signal explicite : abonnements, likes, historique…
  • Contextualisation : heure, lieu, device, etc.

Cette capacité de recommandation crée un avantage concurrentiel fort mais soulève aussi des questions éthiques (enfermement algorithmique, polarisation des opinions, surconsommation de contenus) du à l’exploitation de nombreux biais cognitifs. Par exemple :

Biais liés à l’attention et aux émotions

  • Biais d’attention : Nos émotions ont un pouvoir direct sur notre attention. Plus une émotion est forte, plus elle capte et maintient notre focus. C’est pourquoi les contenus émotionnels ont tendance à être plus performants.
  • Effet de halo : L’attirance ou la sympathie envers une influenceur peut créer une confiance qui s’étend à ses recommandations, influençant notre perception des produits ou services qu’il promeut.

Biais liés à l’influence sociale et à la validation par les pairs

  • Biais de désirabilité sociale : Les utilisateurs ont tendance à présenter une image idéalisée d’eux-mêmes, cherchant à améliorer leur acceptation sociale. Cette pratique peut engendrer des effets négatifs sur la santé de certains utilisateurs, en contribuant à l’anxiété et à la dépression à cause de la comparaison avec les autres.
  • Biais de validation sociale : Les indicateurs d’engagement comme les « likes », les vues et les commentaires influencent notre perception de la valeur d’un contenu. Cela incite les utilisateurs à imiter les comportements populaires, renforçant ainsi l’engagement et la viralité des publications.
  • Biais de conformisme / de mode : L’influence des tendances et des comportements majoritaires sur les réseaux sociaux est un moteur puissant de la création de phénomènes éphémères. Cette tendance incite les utilisateurs à suivre la majorité, augmentant l’adoption rapide de nouvelles tendances.

Biais liés au traitement de l’information et à la croyance

  • Effet de vérité illusoire: La répétition constante d’une information, même erronée à l’origine, finit par la rendre plus familière et donc plus crédible, influençant les comportements. Ce phénomène est largement employé à des fins de propagande par les personnalités politiques par exemple.
  • Effet de simple exposition : Plus un utilisateur est exposé à un produit, une marque ou un contenu, plus il développe une perception positive de celui-ci. Ce biais est largement utilisé dans le domaine de la publicité digitale pour renforcer l’impact des campagnes.
  • Biais de confirmation : Les algorithmes des plateformes favorisent la personnalisation des recommandations, créant un effet de halo algorithmique qui renforce les croyances existantes des utilisateurs, conduisant à une exposition sélective à des contenus similaires.

Biais liés à la prise de décision et à la perception de l’offre

  • Biais d’automatisation : Les systèmes automatisés, notamment les recommandations algorithmiques, suscitent souvent une confiance excessive, même lorsque l’interprétation humaine serait plus pertinente. Ce biais peut influencer les décisions des utilisateurs, renforçant la dépendance envers les suggestions générées par les plateformes..
  • Biais de rareté : Les offres limitées et les promotions à durée limitée créent un sentiment d’urgence chez l’utilisateur, incitant à la prise de décision rapide par peur de manquer une opportunité, comme on peut le voir sur des sites comme Booking ou Vinted.
  • Biais de cadrage : La manière dont une option est présentée (positivement ou négativement) peut grandement influencer la décision des utilisateurs. Par exemple, un prix affiché avec une réduction peut paraître plus attrayant que s’il est simplement montré à son prix d’origine.

La liste est sans fin. Ces mécanismes visent à rendre l’expérience à la fois personnalisée, engageante… et difficile à interrompre. La finalité n’est plus uniquement la conversion, mais la captation continue de l’attention, dans une économie où le temps est devenu la ressource la plus convoitée.

Le modèle plateforme montre aussi des fragilités :

  • Concentration excessive : la domination de quelques acteurs globaux avec des risques de monopoles pose question dans le domaine de la protection des données ou de la fiscalité notamment.
  • Dépendance à l’attention : le modèle économique repose sur l’accroissement du temps passé, malgré des tentatives de diversification notamment avec le modèle d’abonnement, car le recrutement de nouveaux utilisateurs et la saturation publicitaire finissent par atteindre un plateau.

Face à ces limites, plusieurs voies d’évolution émergent :

  • Certainement une régulation plus stricte autour de la donnée, des contenus et de la concurrence.
  • En étant optimiste, des écosystèmes plus ouverts et décentralisés, interopérables et transparents.

Le marketing à l’ère des plateformes implique d’intégrer une dynamique participative, data-driven, pensée pour la personnalisation et l’engagement.

Cela signifie concrètement :

  • Mitiger le modèle top-down et brand-centric pour écouter et créer une dialogue avec les audiences : s’adapter aux codes des différentes plateformes (storytelling, formats), répondre aux tendances, collaborer avec les influenceurs (co-création) et utilisateurs (UGC) pour gagner en authenticité.
  • Capitaliser sur la data généralement de grande qualité des plateformes : le suivi de l’ensemble des actions des utilisateurs associé à des capacités de calcul élevé permet en effet un ciblage très précis. Cette approche data-centric implique de soigner son tracking pour nourrir les algorithmes d’optimisation avec des signaux de qualité, tout en « débridant » le ciblage : bien souvent un ciblage large surperforme les approches trop granulaires quand on utilise les campagnes automatisées comme Performance Max sur Google, ou Advantage+ / DABA (Dynamic Ads for Broad Audiences) / DPA (Dynamic Product Ads) de Meta, par exemple.

Ces approches supposent une collaboration étroite entre media, contenu, technologie et analyse de données, parfois aujourd’hui difficile à cause des silos organisationnels, mais qui sera certainement favorisée bientôt par l’intégration d’outils IA dans les workflows.

Le modèle des plateformes oblige les marques à repenser leur position dans l’économie numérique. Il ne s’agit plus seulement de communiquer ou vendre, mais de s’insérer dans un écosystème vivant, fondé sur l’interaction, la contribution et la co-construction de valeur.

Pour rester pertinentes, les marques doivent apprendre à agir comme des plateformes elles-mêmes : créer des espaces d’échange, agréger des services, animer des communautés, favoriser la personnalisation et l’expérience.

Cela implique de conjuguer intelligemment approche push (campagnes media) et approche pull (contenus utiles, expérience fluide, référencement, CRM).

En définitive, penser comme une plateforme, c’est intégrer une logique d’écosystème : accepter de ne plus tout contrôler, tout en essayant de devenir indispensable.

Commentaires

Une réponse à “Comprendre le modèle des plateformes”

  1. […] propose pas une stratégie pour se différencier — il décrit une logique prédatrice. Celle de plateformes qui n’entrent pas sur un marché, mais l’absorbent. Elles ne cherchent pas la concurrence loyale […]

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